Folle soirée Mats Ek

Publié le par Le petit rat

La maison de Bernarda 

© Julien Benhamou

 

Avant la reprise du boulot quoi de mieux que de s'offrir une petite soirée Mats Ek? Eh bien rien c'est pourquoi vers 17h30 je suis allée faire la queue pour obtenir une place de fond de loge au deuxième étage qui a finit par se solder par une loge de face pour la deuxième partie, à deux pas de JR que j'ai loupé.

 

J'ai passé une soirée délicieuse, pleine de sourires, complètement emportée par l'univers de Mats Ek. Ce que j'ai le plus apprécié c'est sa façon de dessiner des lignes avec les jambes. Il les brise aussi souvent dans des attitudes secondes assez belles et définies dans l'espace. Mats Ek utilise beaucoup de chorégraphies circulaires. Ainsi dans La Maison de Bernarda les sœurs commencent par former un cercle à l'enterrement de leur père. C'est l'enfer de ce tourbillon qui une fois déroulé les conduits à porter le voile noir pour rentrer et s'enfermer pour porter le deuil 8 ans. La chorégraphie est circulaire quand elle marque l'ennui quotidien de ces femmes. On le constate dans la fabuleuse scène du repas où elles vomissent leurs prières pour se goinfrer et se laisser remplir de nourritures terrestres bien plus silencieuses. La servante incarnée par une Alice Renavand absolument divine, fais le tour de la table pour nourrir ces bouches affamées par l'ennui et le deuil. On retrouve aussi cela dans la variation avec le fauteuil. Sorte de chaises musicales quelques peu désespérantes elles tournent autour de ce fauteuil où s'est assis l'homme qui va épouser leur sœur aînée. Tout fait sens dans la chorégraphie de Mats Ek tant les lignes sont précises qu'elles soient mises en forme par un danseur ou bien par le groupe entier. Quand la mère est présente sur scène c'est au contraire vers elle que sont faits tous les mouvements. Kader Bélarbi est une Bernarda autoritaire par sa présence seule sur scène. Aucune douceur dans ses mouvements envers ses filles, encore moins pour la servante.  Alice  Renavand est comme à son habitude, une interprète juste avec une rigueur technique. Face à Bernarda elle sait faire preuve de discrétion mais aussi de malice quand il s'agit de lui faire un pied de nez. Elle est elle aussi une femme prisonnière de cette maison et devient une sœur parmi les autres quand il s'agit de marquer l'ennui comme dans la scène avec le fauteuil.

 

La variation de la sœur bossue, interprétée par Laure Muret, est touchante, tant la détresse et la folie qui touche la jeune femme se gravent dans la chorégraphie, et dans cette solitude qui l'écarte des autres sœurs. Elle a beau sentir le foulard du jeune homme, jamais un homme ne s'intéressera à cette jeune femme bossue.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

J'ai adoré le duo dans la chambre entre Audric Bézard et Eleonora Abbagnato. Les deux amants se retrouvent pour une dernière nuit. Mats Ek nous propose une nuit très sensuelle, très charnelle. Abbagnato parvient à incarner à la fois l'amour charnel et passionnel qui la lie à cet homme, toujours aussi légère et à la fois poignante, elle donne à la scène une spiritualité qui traduit le désespoir de cette jeune femme. L'homme semble moins coincé dans son costume, il montre à cette jeune femme tout son désir. Audric Bézard est très bien ans ce rôle de mâle dominant, qui met en valeur sa danse et sa virilité. Le couple avec Abbagnato fonctionne très bien. Je suis très touchée par ce passage d'amour, qui marque une pause dans la rudesse et l'austérité de la maison.

 

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

Le suicide final de la sœur n'est pas une fin tragique comme on pourrait le voir dans d'autres pièces. La mère se fiche de cette impertinente, qui la défier à plusieurs reprises. Elle avait rompu le deuil en portant une robe fleurie, flirte avec le futur mari de sa sœur, Bernarda la jette sous un tapis comme un vulgaire animal mort qu'on trouverait sur le bord de la route. Cette femme a une absolue maîtrise de tout, et le fait d'avoir donné le rôle à un homme renforce ce manque de douceur. Le seul moment où elle se laisse aller est sa variation où elle danse avec un Christ. J'ai beaucoup aimé cette variation, tout d'abord la musique espagnole, très douce vient atténuer le caractère si dur de cette mère. Elle se met à nu pour danser, pour avoir elle aussi un moment de calme. Kader Bélarbi est très touchant dans cette variation, il lâche son visage et sa danse qui devient liée, souple, une peu plus remplie d'humanité.

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

La Maison de Bernarda mêle problématiques actuelles, et anciennes, sur les femmes, sur le deuil, sur le mariage (faut il préférer la raison à l'amour?), sur le suicide. Mats Ek s'approprie la pièce sans en dénaturer l'essentiel. Il suit bien le texte, choque certains, en interpellent d'autres, fait rire, bref c'est une pièce très riche qui mérite une attention particulière tant la lecture peut se faire à plusieurs niveaux.

 

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

 

Une fois replacée, je peux rester bouche bée devant la deuxième pièce A sort of...C'est donc une sorte de délire, une sorte de rêve, une sorte de voyage, une sorte de petite parenthèse de bonheur. Les personnages évoluent dans une scène en mouvement. Au premier plan sur la fosse d'orchestre, Nolwenn Daniel et Nicolas Le Riche, forme un couple où l'on bouscule les codes de la féminité et de la virilité. Ce premier duo surprenant et réjouissant, où l'on se lave en se frottant avec une chaussure, on met sa femme dans une valise. Nicolas Le Riche toujours aussi impressionnant dans chacun de ses mouvements et expressions. Nolwenn Daniel se montre très élégante dans ses lignes.


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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

Le premier mur se lève, et c'est un deuxième mur bleu turquoise cette fois-ci qui apparaît. Derrière le mur, on joue avec des ballons de toutes les couleurs. On les fait péter. On fait croire qu'on est enceinte jusqu'à ce qu'on nous plante une aiguille et hop ça disparaît. On a des gros seins, ou des grosses fesses ou des grosses testicules. Tout cela n'est qu'un jeu. On se balade dans un décor imaginaire. Les personnages ont une identité sans en avoir une. Le mur turquoise bouge pour fournir une diagonale qui modifie encore l'espace. Comme dans un rêve où l'on passe d'un endroit à un autre, où les personnes que l'on connaît n'ont pas leur apparence, dans ce ballet, c'est exactement cela. Ça saute beaucoup, de façon assez impressionnante. Les danseurs se figent aussi puis repartent.

 

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

Le mur explose enfin la scène est ouverte au maximum ce qui donne une perspective assez folle. La musique est de plus en plus entraînante. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la musique qui unifie ce tout un peu fou. Parmi les interprètes, je les ai trouvé tous bien, particulièrement Aurélien Houette et Letizia Galloni. J'ai aimé la chorégraphie où l'on retrouve ces lignes si belles, ces sauts suspendus, de beaux pliés. On fait une boucle puisque l'on revient à la scène du début. Très réussi, très drôle, une bulle de fraîcheur.

 

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© Laurent Phillipe / Fedephoto.com

 

 

  • Distribution du 25 avril 2011 19h30

 

 

La Maison de Bernarda

Bernarda

Kader Belarbi

La Servante

Alice Renavand

La Soeur Ainee

Mélanie Hurel

Hunchback

Laure Muret

La Jeune Soeur

Eleonora Abbagnato

1ère Jumelle

Béatrice Martel

2ème Jumelle

Christine Peltzer

Un Homme

Audric Bezard

Un Technicien

Andrey Klemm

A Sort of...

1er Pas de deux

Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche

2ème Pas de deux

Miteki Kudo, Benjamin Pech

Grey coat

Caroline Bance

Swimming pans

Nicolas Paul

 

La Maison de Bernarda

Ballet en un Acte
D’après la pièce de Federico Garcia Lorca

Johann Sebastian Bach

Musique
et musiques traditionnelles espagnoles

Mats Ek

Chorégraphie

Marie-Louise Ekman

Décors et costumes

Jörgen Jansson

 

 

A Sort Of...

Lumières

 

 

Henryk Gorecki

Musique

Mats Ek 

Chorégraphie

Maria Geber

Décors et costumes

Ellen Ruge

Lumières

 

  • Bonus vidéo

 

 

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